Chronique d’un confinement
Chronique d’un confinement
Chronique d’un confinement
Heur et déboire d’un commun des mortels confiné.
Depuis le 17 mars, nous vivons en confinement. Le moins évident a sûrement été d’en prendre réellement conscience, tout autant de par la gravité extrême de la situation au niveau national, et international, que dans son propre cas dont la seule possibilité soulignée par tous les médias, est de rester chez soi. Si durant la première semaine nous baignons dans l’incertain et la vaine espérance que ce mauvais coup du sort va disparaître par enchantement, que nous tournons en rond dans nos espaces rectangulaires, et que, décidément, le temps est vraiment long, le seul constat à en retirer est de prendre son mal en patience, et au final, de trouver de quoi s’occuper. Ce qui n’est pas le plus simple, même si nous avons tous, consciemment ou inconsciemment, une liste de travaux à effectuer, remis au lendemain des lendemains depuis des lustres, où justement nous avions pendu jadis la crémaillère. Ces travaux reportés sont souvent situés dans les jardins, les garages, et les greniers, où dans les boîtes oubliées à l’ombre des placards.
À cœur vaillant rien d’impossible
C’est donc avec toute la vivacité de l’homme face aux travaux d’Hercule qu’en ce septième jour de confinement on se décide à faire l’inventaire de tout ce que nous allons pouvoir entreprendre. L’affaire commence plutôt bien : la porte du grenier à peine ouverte vous rappelle qu’elle sort à moitié de ses gonds, ce que vous aviez justement notifié à votre agent immobilier, il y a une décennie, lors de la visite des lieux. Les 20 mètres carrés sous charpente qui s’offre à vous en panorama sont du même acabit : l’isolation bricolée est défaillante, le parquet aussi sain que l’épave du navire du capitaine Crochet, et l’amoncellement des cartons et des valises sont recouverts d’une couche de poussière que seule une datation au carbone 14 pourrait en définir l’époque. Dans tout ce bric-à-brac, il va falloir choisir par où commencer. Tout bien réfléchi, devant l’envergure de la démesure, n’est-il pas plus raisonnable, au préalable, de commencer par prendre un café ?
Établir un plan de travail…avant de travailler
De retour à la cuisine, les traces de pas que vous avez laissé derrière vous confirment la sentence prononcée quelques heures plus tôt par votre épouse : « Tu salis autant la maison quand tu es en confinement que lorsque tu es à l’extérieur ». Fort de la certitude de votre bienveillance, de votre sens légendaire de la propreté, vous n’aviez pas réagi à ces propos dont la mauvaise foi ne peut s’effacer qu’à l’aide de lingette anti-bactériologique. En l’occurrence, vous avez bien fait. Et sans vous laisser le moins du monde perturbé par de maussades jugements vous décidez de lister toutes les tâches que vous allez accomplir durant les prochains jours. Cet inventaire va demander du temps, et si tout va pour le mieux, avec un peu de chance, vous n’aurez pas fini d’en établir le recensement que la vie reprendra son cours ordinaire, hors cloisonnement. Si tel est le cas, ces précieuses notes seront mises à leur tour à l’index, au grenier, il va sans dire. Être confiné ce n’est pas rien, et peut être pour en envisager tous ses aspects faut-il en chercher le sens dans la définition de son suffixe : « in fine » qui se prononce « in finé » est une expression latine signifiant « à la fin » ou « au dernier moment ». Pour ce qui est de « con-finé » chacun d’entre nous, à l’aide d’une salvatrice autodérision, pourra en chercher une autre hypothèse, si ce n’est, pour moi-même, un nouvel horizon.
(extrait de l'ouvrage "Chroniques d'un confinement, et autres hebdotextes")